Première greffe de cortex ovarien au CHU de Poitiers

greffe cortex ovarien

Le CHU de Poitiers a récemment procédé à une greffe de cortex ovarien qui consiste à regreffer son propre tissu ovarien à une patiente. Une première pour le centre d’assistance médicale à la procréation (AMP) sur laquelle revient le Dr Clémence Gachet, biologiste au centre d’AMP - centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS), et coordinatrice de cette intervention.

Préservation de la fertilité et désir de grossesse

Les 28 et 31 janvier 2025, les spécialistes du centre d’assistance médicale à la procréation du CHU et chirurgiens gynécologues ont réalisé leur toute première greffe de cortex ovarien sur une patiente en rémission après un cancer du sang. A l’annonce de sa maladie en 2018, la patiente s’était vu proposer de préserver sa fertilité par la congélation de l’un de ses ovaires. En effet, les molécules de chimiothérapie peuvent affecter les organes de l’appareil reproducteur de la femme. « En consultation de préservation de la fertilité, on se place toujours dans l’urgence du parcours des femmes qui vont suivre des traitements contre le cancer. Nous leur parlons de préservation de fertilité à un moment où elles sont assommées par le diagnostic et par les nombreuses informations qu’elles ont à digérer. Nous essayons tant bien que mal de les projeter dans le futur ». Retiré au bloc opératoire par un gynécologue, l’ovaire a ensuite été traité en laboratoire pour une cryoconservation. Cette technique consiste à isoler la partie de l’ovaire contenant la réserve de follicules appelé cortex et à la conserver sous forme de fragments dans l’azote liquide à – 196°C. « Une greffe de fragments de cortex ovarien qui fonctionne rendra sa fertilité à une femme sur une durée de trois ou quatre ans. Fragmenter le cortex en plusieurs morceaux, nous permet d’envisager plusieurs greffes ».

En voie de guérison, la patiente a fait part, en 2024 de son désir de grossesse. Malheureusement, l’ovaire restant a été impacté par les traitements. En accord avec la patiente et son oncologue, les spécialistes du centre d’assistance médicale à la procréation ont opté pour une greffe de cortex ovarien afin de permettre la reprise d’une activité ovarienne et d’une grossesse naturelle. « Les greffes de cortex ovarien sont des interventions faites en France depuis une vingtaine d’années. Près de quinze sont effectuées chaque année. Le centre d’AMP de Poitiers n’a commencé l’activité de congélation de cortex ovarien qu’en 2017. La patiente greffée est la première à avoir exprimé ce souhait ».

Une greffe en deux étapes

La greffe du cortex ovarien a mobilisé les professionnels du centre en deux lieux et deux temps différents : le laboratoire et le bloc opératoire, le mardi 28 et le vendredi 31 janvier. « Elle a vraiment donné lieu à une forte collaboration entre les professionnels du laboratoire, techniciens et biologistes et nos collègues chirurgiens gynécologues».

Le premier jour, les docteurs Clémence Gachet et Philippe Grivard, biologistes, ont coordonné la préparation des greffons au laboratoire avec l’aide des techniciennes. Deux fragments de cortex ovarien ont été décongelés. « C’était la première fois que nous réalisions cet acte. Nous n’avions jamais eu jusque-là de retour sur notre activité de congélation de cortex. Pour la décongélation, nous obéissons à un protocole très strict qui impose, entre autres choses, le passage des fragments dans des bains successifs de milieux de culture avec une concentration décroissante en cryoprotecteur ».

Ensuite, les fragments ont été montés au bloc opératoire. Là se trouvait le Dr Amélie Charvériat, chirurgien gynécologique, pour laquelle il s’agissait également de la première greffe de cortex ovarien. La spécialiste a créé, sous coelioscopie, à l’intérieur de l’utérus de la patiente, trois fossettes péritonéales dans lesquelles elle a déposé les fragments après les avoir fractionnés. Ce premier temps est nécessaire à la création d’une néovascularisation des fossettes. Cette série de gestes techniques préparaient le réel temps de greffe qui a lieu trois jours plus tard.

Pour le deuxième temps de greffe, une quinzaine de fragments de cortex ont été décongelés et montés au bloc opératoire en trois fois. Le Dr Amélie Charvériat et le Dr Caroline Carlier-Guerin, également chirurgienne gynécologique, les ont positionnés en patch par robot assisté sur quatre sites différents : sur les fossettes créées préalablement et sur l’ovaire gauche restant.

Le Dr Amélie Charvériat explique : « Il s’agit d’interventions mini invasives faites en ambulatoire. Entrée le matin, la patiente est ressortie à midi. Maintenant, il nous faut attendre pour voir si les fragments reprennent. Pour cela, la patiente va faire l’objet d’un suivi échographique et biologique mensuel qui nous permettra de voir si les hormones secrètent correctement, si les follicules se développent, si les vaisseaux revascularisent les nouveaux patchs, etc.  Généralement, au bout de 4 à 6 mois, 80 % des patientes greffées reprennent une fonction ovarienne ».

Les professionnels du centre ont bénéficié de l’accompagnement et de l’expertise des spécialistes de la greffe de cortex ovarien : le Dr Pascal Piver, chirurgien gynécologique, et le Dr Jean Christophe Pech, référent en préservation de la fertilité au CHU de Limoges.

« Au centre de PMA, nous avions déjà suivi une patiente qui avait bénéficié d’une greffe de cortex ovarien à Paris. Aujourd’hui, les femmes du territoire qui le souhaitent pourront se faire greffer près de chez elles, et nous en sommes ravis. »