Des professionnels du CHU de Poitiers se sont rendus au Liban, fin février, dans le cadre d’une mission de coopération internationale. Le Pr Nathalie Nasr, neurologue, qui a coordonné ce déplacement, en explique les enjeux. Cette mission marque le lancement d'un plan soutenu par le ministère de la Santé français, visant à renforcer la prise en charge des AVC dans les hôpitaux publics libanais, appelés « hôpitaux gouvernementaux ». Ces établissements sont cruciaux pour les populations en situation de vulnérabilité économique car ils offrent des soins gratuits.
Au Liban, la prise en charge des AVC est moins développée que celle des infarctus du myocarde. Il n’existe pas de plan AVC national, et les moyens sont insuffisants pour traiter les AVC sévères. Face à cette situation, le CHU de Poitiers a proposé un projet visant à améliorer la prise en charge des AVC mineurs dans les services d’urgence des hôpitaux publics.
En effet, la majorité des AVC ischémiques sont des accidents ischémiques transitoires (AIT) ou des AVC mineurs. Une prise en charge rapide et adaptée peut réduire de 50 à 80 % le risque d’AVC sévère. L’idée est de mettre en place des protocoles standardisés de prise en charge de ces AVC dans les services d’urgence, associés à des actions de formation des professionnels et de sensibilisation de la population.
Le Liban traverse une crise économique sévère, exacerbée par l’explosion du port de Beyrouth en 2020 et une inflation galopante. De ce fait, une part importante de la population n’a plus accès aux soins, en particulier dans les hôpitaux privés. L’objectif de la mission était de cibler les populations les plus vulnérables, souvent exclues des systèmes de soins.
Ce premier voyage a été rendu possible grâce au soutien du ministère de la Santé libanais, notamment de Madame Wahida Ghalayini, responsable du centre d’opérations d’urgence au ministère de la Santé (PHEOC : Public Health Emergency Operation Center), qui a organisé sur le terrain les visites dans les hôpitaux gouvernementaux rencontres dans les différentes régions du pays.
Le Pr Nasr, accompagnée de Carine Bihin, assistante de la direction des coopérations internationales du CHU de Poitiers, ont rencontré les acteurs clé du système de santé libanais : directeurs d’hôpitaux, directeurs des soins, médecins. Une collaboration étroite a été établie avec la Croix-Rouge libanaise, acteur essentiel de la régulation des urgences. Un programme de cartographie des hôpitaux en capacité de prendre en charge les urgences neurovasculaires sera mis en place à la Croix Rouge qui assure le rôle de la régulation préhospitalière au pays du Cèdre.
La mission s’est conclue par une rencontre avec le ministre de la Santé libanais, qui a réaffirmé son soutien au projet et s’est engagé à mobiliser les ressources nécessaires. Cette mission a dépassé les attentes, et une coopération bilatérale solide se met en place. « Cette mission a totalement dépassé les objectifs que nous nous étions fixés. Nous avons rencontré sur le terrain des gens volontaires et ayant fortement ancrés en eux le sens du service public ».
Cette mission s’inscrit dans une continuité avec les autres actions de coopération du CHU de Poitiers avec le Liban. En effet, le CHU Rafic Hariri, hôpital gouvernemental de Beyrouth avec lequel le CHU de Poitiers vient par ailleurs d’entamer une coopération dans le domaine de la formation aux situations sanitaires exceptionnelles incluant le risque chimique et radiologique, fera partie des hôpitaux bénéficiaires de la protocolisation de la prise en charge des accidents ischémiques transitoires et des AVC mineurs. La coopération avec le Liban se situe ainsi dans le domaine de gestion des urgences, en temps de guerre et en temps de paix.
La coopération avec le Liban est également à l’œuvre dans le domaine de la formation des étudiants en santé notamment avec l’Université de la Sainte Famille en provenance de laquelle le CHU de Poitiers accueille chaque été des étudiants en stage. L’Université de la Sainte Famille sera aussi impliquée dans le projet en mettant à contribution ses étudiants pour relayer une campagne de prévention et de sensibilisation de la population sur la prise en charge des AVC.